« how to fix up a
heart that i let down »

© credit: tumblr/citation

 

C'est seul que Gaël s'éveilla ce matin-là. Instinctivement, il passa une main sur l'oreiller à côté du sien, trouvant la place vide évidemment. C'était dans ces moments de faiblesse que l'absence d'Astrée se faisait la plus douloureuse. C'était de sa faute après tout, c'était lui et lui seul qui l'avait repoussé, préférant Bridget. Officiellement en tout cas. Elle n'avait pas encore annoncé sa grossesse à son frère. Lâche au possible, Gaël se terrait dans son appartement et rasait les murs pour aller au boulot. Il craignait plus que tout de tomber par hasard sur son ex. Depuis qu'il le connaissait, il n'avait pas été capable de lui mentir une seule fois. Lorsque que quelque chose lui passait par la tête, Gaël avait besoin de lui dire, surtout lorsqu'il s'agissait d'Astrée et de ses sentiments pour lui. Au fond, c'était la facilité avec laquelle il avait gobé les mensonges de Gaël qui l'avait blessé le plus cruellement.

Après quelques longues minutes solitaires, il se décida finalement à quitter son grand lit vide, non sans un grognement, et enfila un survêtement pour tout pyjama. Après tout, il ne travaillait pas aujourd'hui et il entendait bien s'octroyer une matinée morose à traîner devant des programmes télés complètement débiles avant que Bridget ne débarque. Olivia était certainement déjà partie au travail (si tant est qu'elle était rentrée la veille). Inutile donc de faire le moindre effort vestimentaire. Il se retrouva seul dans la cuisine, à se préparer un café dans le plus grand silence. Le rire d'Astrée lui manquait, les petites manies d'Astrée au réveil lui manquaient, tout d'Astrée lui manquait. Mais il ne pouvait plus revenir en arrière. Leur histoire s'était terminée au moment où il lui avait dit qu'il ne l'aimait plus. Il avait eu du mal à sortir ces mots-là, tant parce qu'ils étaient faux que parce que tout, de son cœur à sa raison, lui hurlait de se taire. Il avait dû le faire, parce que c'était la meilleure chose à faire. Il ne pouvait pas laisser Bridget toute seule, pas alors qu'il était responsable de ce qu'il arrivait (son absence de souvenirs n'excusait rien, rien du tout).

La sonnette retentit, lui arrachant un nouveau grognement et, tasse en main, il gagna l'entrée en traînant des pieds. « Nom de Dieu, Bridget laisse-moi cinq minutes de tran- » Il se tut en découvrant Astrée sur le pas de la porte. Il cligna des yeux, une, deux, plusieurs fois, certain d'être encore endormi, à rêver. L'idée de se pincer lui traversa l'esprit mais il ne pouvait pas prendre le risque que son ex intercepte le geste. Astrée ne devait pas se faire des idées. C'était terminé. Gaël se racla la gorge, mal à l'aise. « Euh, salut, parvint-il à articuler, Bridget n'est pas là » Il avait lâché ça très vite, comme s'il entendait le rassurer avec ces quelques mots. Jolie entrée matière Gaël, bravo, songea-t-il en se maudissant mentalement pour une telle maladresse. « Tu, mh, tu as besoin de quelque chose ? Tu veux entrer ? » proposa-t-il, priant malgré lui pour qu'Astrée dise oui. Il ne devait pas penser comme ça. C'était terminé, vraiment terminé. Il allait avoir un bébé, il ne pouvait pas penser à son ex comme ça, aussi amoureux pouvait-il être.

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Il avait cru jusqu'à présent que rompre avec Astrée était la chose la plus difficile qu'il lui ait été donné de faire, probablement parce que c'était aussi la dernière chose dont il aurait pu avoir envie. Il ne l'avait pas fait de bonté de cœur, loin de là mais il devait apprendre à vivre avec. Plus facile à dire qu'à faire, avec Bridget à ses côtés la majorité du temps depuis la rupture. Il voyait Astrée dans certains de ses sourires, dans plusieurs de ses expressions, pendant une seconde ou deux. Ça lui arrivait fréquemment et l'instant qui suivait, lorsque la réalité lui revenait en pleine gueule, n'en était que plus douloureux encore. Il ne tenait pas Bridget pour responsable, parce qu'il était au moins autant en tort qu'elle, si ce n'est plus mais il avait parfois du mal à s'en souvenir. Plus d'une fois, il s'était surpris à lui répondre sèchement ou à lui jeter des regards peu amènes. Elle n'était pas Astrée, elle ne serait jamais Astrée et il devait apprendre à faire avec. Toutefois, ce n'était sans doute pas aujourd'hui qu'il commencerait, pas après un réveil si difficile.

En entendant frapper, Gaël songea à ne pas aller à ouvrir, à feindre d'être absent ou encore au lit. C'était probablement Bridget et même s'il avait accepté d'être officiellement son petit-ami, il n'avait pas spécialement envie de voir. En fait, il n'avait envie de voir personne et il ne s'attendait pas à trouver son ex sur le perron, surtout pas si tôt. Ou peut-être qu'il n'était pas si tôt, en fin de compte. Gaël glissa un coup d’œil à sa montre lorsqu'il eut retrouvé ses esprits. Oh. Oui, bon. Il avait peut-être un peu traîné au lit, à se noyer dans l'auto-apitoiement. Tant pis. Il n'avait rien à faire aujourd'hui, si ce n'est faire face à ses erreurs, manifestement. Astrée secoua la tête, refusant d'entrer et Gaël sentit son estomac tomber comme une pierre. Une droite en plein visage n'aurait pas fait plus mal. Toujours silencieux, il déposa un sac poubelle devant lui. « Je suis là pour te rendre tes affaires, si tu pouvais faire de même » fit Astrée, brutal. Gaël se figea, la gorge serrée et le cœur battant la chamade. Non, rompre avec Astrée n'était pas l'épisode le plus difficile de toute sa vie. Revoir Astrée et faire face à son hostilité était bien pire. « Je, je n'ai pas touché à tes affaires. Je veux dire, je n'ai rien rangé, c'est encore... tout est à sa place » répondit-il, fuyant le regard de son ex. Aveu plus que révélateur. D'autres que lui auraient déjà tout emballé et donné à Olivia pour qu'elle fasse office de messager. Mais pas Gaël. Il n'avait pas eu le cœur à se débarrasser des affaires d'Astrée. Ses vêtements étaient encore dans les placards, l'une de ses paires de chaussures traînait dans l'entrée et son shampoing trônait encore sur l'un des rebords de la baignoire. Il était encore présent dans l'appartement d'une certaine manière, même s'il n'y avait pas mis les pieds depuis quelques temps. « Tu es sûr que tu ne veux pas entrer ? Juste pour, je sais pas, attendre que je retrouve tout, il y a... toutes tes affaires encore à leur place, alors ça risque de prendre un peu de temps » Et, autant être honnête, il traînerait sans doute aussi pour le retenir un peu. C'était moralement discutable et complètement ridicule après ce qu'il lui avait fait, mais Gaël aurait dit à peu près n'importe quoi pour qu'il reste là ne serait-ce que cinq minutes de plus. Cinq minutes de supplice mais il ne pouvait nier qu'il était heureux de le voir, d'une certaine manière.