Je connais un quartier où l'histoire semble belle et pure. Où les séquelles du passé ont été recouvertes à grands coups de peinture blanche. Où la pelouse pousse trop droit pour être juste arrosée par la pluie. Où la jeunesse dorée aime se pavaner été comme hiver dans d'inestimables voitures de collections empruntées sans permission à papa ou à maman. Ici, on aime être beau et poser devant l'appareil photo, écharpe en transversal et paire de ciseaux à la main. Bienvenue dans le quartier huppé de Sail Bay, où les barrières devant les jardins sont aussi bien alignées que la dentition des heureux propriétaires.

Le charme fou de ce petit bout de temps perdu n'échappe à personne, et encore moins à la population jeune qui, révolutionnaire à souhait, a lentement mais sûrement pris possession de la barricade. Sous ses apparences de quartier flou et bruyant se cache la magie de l'Art, l'extase des Jukebox, la frénésie des arcades, l'adrénaline des courses de karts en carton, l'odeur délicieuse des vinyles poussiéreux. Assis contre les lampadaires chauffés à l'huile on vit, on crie, on chante, on chute, et on attend la nuit suivante, les rétines brûlées par le soleil levant.

On aime se perdre, autre part que là où tout le monde se promène, en fait, les ruelles, c'est un peu les veines de la ville. Il y a les grandes artères, où beaucoup de monde passe et ces petits endroits cachés, qui longent les rues. Sur les côtés, on trouve des maisons, des volets à la peinture écaillée et des enfants qui échangent un ballon. Il y a plein de choses à découvrir, par ici, il suffit de chercher et de ne pas faire trop de bruit, parce que les pies voleuses ne sont jamais bien loin.

L’éducation, rien de plus important dans la vie ! Autant vous le dire maintenant, ce n'est pas ici que vous entendrez ce genre de phrases. Le campus du village regroupe dans un rayon restreint le lycée et l'école supérieure de la ville. Le petit morveux de l'école primaire qui mangeait votre colle et coupait vos cheveux ? Mauvaise nouvelle, sauf catastrophe naturelle vous le retrouverez à coup sûr dix ans plus tard. Alors autant se faire des amis très tôt, ou vous pourrez bien le regretter.